Eva Agnel: La trahison

/Extraits/

Il roulait une Fleur du pays devant la bibliothèque. Elle arrivait totalement décoiffée par le vent. Il lui dit : « vous avez de beaux cheveux » Elle ouvrit le cadenas, remonta le rideau et lui répondit : « vous ne pouvez pas vous plaindre, non plus, avec vos boucles ! »
« On dirait le Petit Prince »

Elle ne travaillait qu’à mi-temps chez ’Loisir’. Au fil de ces dernières années, cette petite bibliothèque de quartier est devenue son loisir à elle.
Les habitués et leurs habitudes n’avaient plus de secrets pour elle ; elle savait par cœur qui était fan de romans policiers, d’histoire, de cuisine, de dessins animés, de best-sellers du moment… Il y avait beaucoup de personnes âgées. Certaines venaient plus pour revoir les autres que pour se fatiguer les yeux et l’esprit. Ils feuilletaient quelques revues et allaient discuter au café voisin.
– Je vous prends un jus de fruits ? C’était Monsieur ou Madame Vial. Madame Morin apportait quelques friandises, de celles qu’elle avait préparées pour ses petits-enfants :
– C’est pour vous, je ne vous ai pas oubliée !
– Merci, Madame Morin, il ne fallait pas…
– Ça me fait plaisir, Cathy, croyez-le bien, et dites à vos fils que c’est la recette d’une vieille grand-mère !
– Je n’ai que le petit de vingt-deux ans à la maison, Madame Morin.
– Ce n’est pas grave, il les mangera quand-même. Où est votre grand ? Ça y est, il s’est marié ?
– Il est à Paris. Vous savez, les jeunes de maintenant ne sont pas trop pressés pour s’engager…

Lui, il n’avait pas d’âge. Allure d’un rockeur modéré : jean, blouson, bottes. Mais sous ses boucles de Petit Prince, il y avait un visage marqué.

– Vous avez de beaux cheveux. Ce n’est pas parce qu’il y a du vent, qu’ils ne soient pas beaux !
Qu’avait-il pris ce nouveau de se complimenter sur ses cheveux ni blonds ni noirs mais bruns et raides comme des clous ? Lui, le réservé… L’avait-il déjà entendu le vieux Paul à faire son innocent numéro de « Ma belle, je vous épouse quand vous le voulez » ?
« J’enregistre d’abord, Paul, on en discutera après ! »
Devant une pile de livres que Jacques avait choisi ce jour de Mistral, Cathy s’étonna :
– Tu veux prendre tout ça ?
– Elle vit sourire ses yeux…

Il passait chaque mardi vers les quatre heures. Il ne lisait que des ouvrages sur les animaux.

– Avec les animaux, il n’y a que du bon.
– J’ai toujours eu des chats. Quand j’étais petite, j’avais aussi un chien.
– Tu sais alors quelle est la différence entre chat et chien !
– Ben, l’un miaule, l’autre aboie.
– Je dis qu’il n’y a que du bon avec les animaux parce qu’ils ne trichent pas. Ils sont ceux qu’ils sont. Tu le sais. Mais ce qui est curieux, c’est que si le maître meurt, son chien se couche près de lui, il ne bouge plus, il ne se nourrit plus et, si on le laissait, il mourrait. Alors que ton chat te mange.
– Quoi ?
– Oui. Le chat finit par arracher la chair du mort, il ne peut pas résister à la faim. Ce n’est pas sa faute. Il est ainsi fait. Son instinct de survie est supérieur à celui du chien.
« Si un jour tu n’es pas aussi pressée… »

– Pourras-tu passer au café ? J’ai quelque chose à te demander.
(…)

2013. január 8.

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